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Nouveaux traitements dans l’eczéma atopique – interview Pr Delphine Staumont

La prise en charge de l’eczéma atopique évolue depuis plusieurs mois. Nous avons été à la rencontre du Pr Delphine Staumont, dermatologue à Lille, pour nous en savoir plus sur les nouveaux traitements dans l’eczéma atopique.

Nous vous parlons souvent des avancée de la recherche et des nouveaux traitements contre l’eczéma atopique. Voici un nouvel aperçu de l’état des lieux du sujet avec une spécialiste de Lille.

  • On parle beaucoup de biothérapies ? De quoi s’agit-il ?

Le dupilumab (Dupixent, laboratoire Sanofi) est la molécule la plus souvent évoquée. Il s’agit d’un anticorps monoclonal entièrement humain dirigé contre un récepteur spécifique et permettant d’inhiber les voies de signalisation de l’interleukine 4 (IL-4) et de l’interleukine 13 (IL-13). Ces deux interleukines sont des cytokines majeures impliquées dans la physiopathologie de la dermatite atopique. Le dupilumab s’administre par voie injectable sous-cutanée, chaque seringue préremplie en contient 300 mg chez l’adulte. Le dupilumab est pour le moment disponible en officine de ville chez l’adulte uniquement, mais il  est aussi disponible chez l’adolescent entre 12 et 17 ans en Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU). Le dupilumab sera prochainement disponible également dans l’asthme et dans la rhinite allergique avec polypose nasosinusienne.

D’autres biothérapies sont en phase de test dans le traitement de la dermatite atopiqueet bloquent d’autres cytokines impliquées dans la physiopathologie de la dermatite atopique comme le lebrikizumab et le tralokinumab (bloquant sélectivement l’interleukine 13), le fezakizumab (bloquant l’interleukine 22) , et le némolizumab (bloquant l’interleukine 31). .

  • Pouvez-vous nous parler des nouveaux traitements de l’eczéma ? Quels sont-ils ? Sont-ils plus efficaces que les traitements existants ?

A côté des biothérapies injectables, d’autres molécules (appelées petites molécules car ce sont des médicaments produits par la chimie à la différence des biomédicaments sus-cités) sont en cours de développement avancé dans des essais cliniques : par voie orale (inhibiteurs de JAK bloquant la réponse inflammatoire dans la cellule comme le baricitinib, l’upadacitinib ou l’abrocitinib ; anti-H4R inhibant un récepteur de l’histamine différent des anti-histaminiques dits anti-H1 prescrits dans l’urticaire et la rhinite allergique) ou par voie locale (tofacitinib topique). Dans cette dernière catégorie, une pommade au crisaborole (Eucrisa, laboratoire Pfizer) est déjà disponible aux Etats-Unis mais pas en France. Le crisaborole est un inhibiteur de la phosphodiestérase 4 (impliquée dans l’activation des cellules de l’immunité), indiqué dans la dermatite atopique légère à modérée à partir de 2 ans.

Du fait du coût et du manque de recul, ces traitements innovants ne pourront s’envisager qu’en cas d’échec des traitements de référence. Ceux-ci comprennent dans un premier temps le recours ponctuel aux dermocorticoïdes en cas de crise et l’hydratation régulière de la peau entre chaque poussée. Mais pour de nombreux patients, surtout chez l’adulte, ce traitement de base ne suffit pas. D’où le recours à des alternatives locales (anticalcineurines : uniquement la pommade Protopic en France),  et systémiques (photothérapie, immunosuppresseurs conventionnels comme la ciclosporine, dupilumab ou inclusion dans un essai clinique si disponible).

  • A qui s’adressent ces nouveaux traitements contre l’eczéma ?

Les nouveaux traitements seront proposés aux patients souffrant d’eczéma modéré à sévère, afin qu’ils puissent retrouver une qualité de vie satisfaisante. Ils concernent pour l’instant quasi exclusivement l’adulte, mais vont être dans un second temps disponibles pour les formes les plus sévères résistantes aux traitements classiques chez l’adolescent puis l’enfant.

  • Ces nouveaux traitements sont-ils sans risque ? Quels effets secondaires ?

Il n’existe aucun traitement avec un risque nul d’effet indésirable. Mais il a été clairement montré dans les essais cliniques nécessaires au développement de ces nouveaux médicaments et dans les nombreuses études en vraie vie pour les traitements déjà disponibles, comme le dupilumab, que ces traitements étaient très bien tolérés, avec un rapport bénéfice (efficacité sur l’eczéma et les démangeaisons, amélioration de la qualité de vie) risque (potentiels effets indésirables) largement favorable, et même bien meilleur que les traitements systémiques classiques notamment la ciclosporine. Le dupilumab, qui est le seul disponible en officine de ville pour le moment, et dont nous parlerons donc uniquement dans ce chapitre, peut être assez fréquemment responsable d’effets indésirables oculaires (notamment apparition d’une conjonctivite sous traitement ou majoration d’une conjonctivite pré-existante, en général sans gravité, ne contre-indiquant pas la poursuite du traitement mais nécessitant la mise en place d’un traitement en collaboration avec l’ophtalmologue), et aussi parfois d’une poussée ou d’une persistance de l’eczéma du visage (souvent également contrôlée par les traitements locaux associés comme les inhibiteurs de calcineurine topique) ou d’une augmentation du taux d’éosinophiles dans le sang (une sorte de globules blancs qui peut déjà être augmentée chez les patients atopiques en dehors du traitement) mais sans conséquence sur la santé du patient.

  • Pourra-t-on un jour soigner définitivement l’eczéma ?

On l’espère. L’objectif principal n’est pas forcément de faire disparaître toutes les lésions d’eczéma à vie (on n’en est d’ailleurs toujours pas capable à l’heure actuelle malgré les progrès récents remarquables) mais d’offrir au patient la meilleure qualité de vie possible, avec le moins de poussées possibles, et au long cours, avec des traitements (topiques et/ou systémiques) les mieux tolérés et les moins contraignants possibles. Cela passe forcément par une approche globale de la maladie ; n’importe quel traitement, même le plus moderne, ne sera jamais assez efficace s’il n’est pas associé à une éducation thérapeutique permettant de mieux vivre avec sa dermatite atopique et s’il ne s’inscrit pas dans une prise en charge personnalisée. En effet,  il y a beaucoup de nombreuses formes différentes d’eczéma et chaque patient est unique en ce qui concerne son type d’atteinte cutanée, mais aussi sa santé en général, l’impact de l’eczéma sur sa vie, ses attentes vis-à-vis du traitement …

L’arrivée de ces nombreux nouveaux traitements vient enfin renforcer notre arsenal thérapeutique pour offrir le meilleur traitement à chaque patient.